A Lille, on prend la voiture pour aller acheter des cageots de bières en Belgique. A Saint-Laurent, on prend la pirogue pour aller faire ses courses au Suriname. Point besoin de visas pour se rendre de l’autre côté du fleuve, à Albina : les contrôles ne se font que plus loin sur la route qui mène à Paramaribo, la capitale. La libre circulation entre les deux pays marche aussi pour les marchandises et c’est la raison majeure qui poussent les guyanais à se rendre sur ce petit bout de Suriname.
Car Albina, faut l’avouer, c’est pas très grand. Ce qui amuse d’abord, c’est de voir les noms de rues suffixées de « straat » (quand je disais que c’était comme en Belgique..) : les anciens colons néerlandais ont laissé leur trace. Mais pas pour tout, par exemple ici, on roule à gauche et les volants sont à droite. Est-ce du à la proximité d’avec le Guyana, ancienne colonie britannique ? Je ne sais pas. Et j’aurais du mal à demander le pourquoi à un local car je n’arrive pas à savoir quelle langue ils parlent ici. Contre toute attente, ça ne semble pas le néerlandais, ni l’espagnol et malgré quelques mots de français, le reste m’est inaccessible. Un amérindien, me voyant tergiverser avec un commerçant pour connaître un prix, me lance un autre baragouinage avec dedans les mots « taki-taki ». Je fais alors une traduction mentale : « Monsieur, vous pouvez vous adresser à cet homme en parlant le dialecte local sur cette portion du fleuve, à savoir le Taki-taki. A bientôt ». Je salue l’amérindien, voilà un mystère résolu.
Ce qui saute aux yeux dés l’arrivée, c’est l’omniprésence de « supermarkets » chinois : « John Su Supermarket », « A-San Supermarket », « Hong Supermarket », je pourrais continuer longtemps. La demande pour ce genre de magasins est là : les tarifs au Suriname sont nettement moins élevé qu’en Guyane. Les importations maritimes guyanaises sont en effet fortement taxées par l’État français sous couvert de « l’octroi de mer ». Je ne sais pas plus que vous ce que c’est sauf que ça fait drôlement grimper les prix… Heureusement donc, les chinois surinamais et leurs tarifs défiant toute concurrence se sont installés pile où il fallait. Décidément très fort ces chinois. On y trouve globalement de tout, sauf du frais ; tout vient des quatre coins du monde : coconut milk de Thaïlande, épices d’Inde, dentifrice du Vietnam, bric à brac de Chine, Heineken des Pays-bas,…
La ville est donc clairement orientée vers le commerce et de nombreuses publicités sur les façades, peintes à la main comme en Inde ou au Népal, vous rappellent les marques les plus connues, dans le cas où, suite à un important traumatisme crânien, ayant perdu tous vos souvenirs mais pas le goût de la bière, vous n’ayez pas à hésiter sur le choix de votre boisson : « Une Parbo Beer, s’il vous plait ! ». Les Guyanais les plus avertis ne s’y trompent pas, à Albina on achète. Ils viennent donc ici se ravitailler en utilisant une brouette : passe-partout, grande capacité, résistance. L’accessoire indispensable.
Parlons un peu couleur locale pour conclure : la majorité des personnes, garçons ou filles d’ailleurs, ont des dreads ou tresses africaines. Les gars portent ces grands bonnets afros contenants toutes leur imposante chevelure et les filles arborent leur tresses violettes, blondes ou vertes. Ajoutez à cela quelques bistrots avec des Bob peint à la main et une devanture colorée, un fond musical jamaïcain et vous y êtes. D’ailleurs, je verrai un peu plus loin tout un ensemble de coiffeurs dédiés au rajout de mèches et autres suppléments capillaires. Amusant de voir qu’ici, aller chez coiffeur implique de gagner des cheveux, pas d’en perdre.
Donc, pour ceux qui avait perdu le fil, Albina, on y arrive aussi facilement qu’en Belgique, on conduit comme en Angleterre, ils parlent comme en Guyane, écrivent comme aux Pays-Bas, se coiffent comme en Jamaique, peignent comme en Inde, sont envahis par les produits de Chine mais, mais, mais : Albina, c’est au Suriname.
Albina pratique :
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« Embarcadère » des pirogues depuis Saint-Laurent : au bout du Boulevard du Général De Gaulle
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Tarif de la pirogue depuis Saint-Laurent : 5€ aller ET retour (vous payez au retour)
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Pas besoin de visas si vous ne poussez pas plus loin au Suriname
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Prévoir un sac (ou une brouette donc!) pour rapporter vos achats
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Manger le midi : aucune hésitation, aller chez Héroina, vous ne serez pas déçu quoique vous choisissiez et les prix sont vraiment raisonnables au vu de la quantité !