Quand on pense à la ponte des tortues, on a tous en tête ces images d’énormes tortues, fournissant un effort suranimal pour monter une plage et atteindre leur lieu de ponte. Et bien la plupart de ces images proviennent de Awala-Yalimapo, de son joli nom, « plage des hattes ».
Awala-Yalimapo est certainement le village le plus au Nord de la Guyane ; les plus avertis diront certainement que cela en fait naturellement l’un des villages les plus sympas. Et ce n’est pas faux : il s’agit d’un endroit très plaisant, ses maisons ouvertes, implantées sur des espaces de sable blanc participant au charme général. Il y a beaucoup d’espaces entre les habitations, la végétation n’est pas ici sur la côte aussi dense qu’un peu plus loin dans les terres, on respire… Les habitants de ce village sont amérindiens ; depuis le Xième siècle, ils ont toujours été là, malgré les multiples événements coloniaux qui les ont affectés, parfois atrocement. Et maintenant, ils gèrent le développement de leur commune en autonomie.
Le village est d’accès facile, une route de bonne qualité, parallèle à la côte, part de Mana et vous conduit directement à un parking, à 50m de la plage. Peu avant le village, après le seul rond-point de la route, vous pouvez vous arrêter à la maison de la Nature, pour obtenir des informations sur la biodiversité locale et principalement bien sûr sur les tortues luth.
D’ailleurs, j’y viens puisque c’est tout de même l’objet de cet article. Pour voir ces grandes bestioles, faut être là au bon moment. Ça implique : a) d’avoir choisi, la bonne saison : pour la ponte, c’est avril à juillet ; pour les émergences des bébés, c’est juillet-août ; b) d’être là au moment des marées hautes et même environ 1h30 avant ; c) de préférer le tout début ou la toute fin de journée, bref les heures les moins chaudes mais sans que ce soit la nuit (pour la visibilité et… les photos). Ces conditions peuvent vous paraître difficile à réunir mais en pratique c’est plutôt aisé. D’autant plus que prés de 7000 femelles viennent pondre sur cette plage de 5km (mais pas toutes la même année tout de même!) et ce à plusieurs reprises ; vous êtes donc pratiquement certains de voir plusieurs spécimens même durant un court séjour.
La ponte comment ça se passe ? Au moment de la marée haute, nos grosses mèmères de 600kg (et oui) nagent jusqu’au rivage puis « s’échouent » le plus loin possible sur la plage avant de commencer leur ascension vers le haut de la plage, à l’abri de la marée, prés de la végétation. Et quel effort pour ces tortues ! Avec leur demi-tonne passée, sortir de leur milieu naturel, se priver de la poussée d’Archimède, et refaire ça une petite dizaine de fois en quelques semaines, moi je dis, ça force l’admiration. Donc, suivant son instinct naturel, une fois à la bonne place en haut de la plage, la tortue commence à remuer le sable tout autour de ses pattes arrières, pendant un moment, et finit par commencer à creuser un trou, très délicatement, toujours avec ses pattes arrières (et sans regarder). Elle prend son temps, alternant le creusage du trou avec ses deux pattes, un coup la droite, un coup la gauche, s’enfonçant de plus en plus profond dans le sable, mais doucement, tranquillement. Il est fascinant de voir à quel point elle fait cela avec méthode et calme malgré son apparence massive.
Au bout d’un moment, elle décide que le trou est suffisamment profond et c’est le moment de pondre, j’ai l’impression que la tortue est très calme à ce moment là mais à vrai dire, je ne sais pas lire sur le visage des tortues. Apparemment, elle émettrait des sons particuliers pendant la ponte mais je n’ai rien entendu de tel. Cela dure un moment et puis finalement elle recouvre tout aussi délicatement le trou avec du sable jusqu’à le remplir et commencent à remuer dans tous les sens, un peu n’importe comment, comme pour cacher l’endroit précis où le trou se trouve avec ces précieux petits. Et d’un coup, tout va très vite, elle se tourne vers la mer, descend la pente de la plage à toute vitesse et la voilà repartie dans l’eau en moins de deux. Incroyable ballet… tout ce travail et dire qu’elle ne verra jamais ses petits…
Car la maman-tortue, si elle vient tous les sept ans sur cette même plage pour pondre, ne revient pas vérifier, soixante jours plus tard environ, si sa progéniture a correctement terminé sa croissance ; la maman, elle a déjà recommencé son tour dans l’Atlantique. Alors qu’arrive-t-il à ces œufs ? Et bien ça vous le saurez au prochain épisode, quand j’en saurais plus…
PS : Je profite de cet article pour rendre hommage à « Georges le solitaire » décédé ce 24 juin 2012 : c’était le dernier représentant de son espèce, les tortues géantes des Galapagos…
Awala-Yalimapo pratique :
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Accès : aller jusque Mana, suivre la route côtière vers l’ouest.
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Logement : Auberge de jeunesse Simili situé à côté du seul rond-point de la route, jolie et bien située, à côté de la plage, de la maison de la nature et au calme entre les arbres, un peu à l’écart du village (vous y aller à pied par la plage)
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Manger : la Yalimale à Yalimapo pour gouter les spécialités !
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Observation des tortues : ne rester pas trop près tant que la ponte n’a pas commencé ! N’utilisez pas de flashs pour les photos, préférez les téléobjectifs pour avoir des plans rapprochés.
Photos de l’article
Sources pour les chiffres : Wikipédia, Paris-Match.